Les réelles aventures de l’imaginaire

Au début il n’y avait rien. Puis Kitase souffla sur le monde et de son souffle jaillit la vie.
La vie était un petit être indiscipliné, retors et prêt à tout pour se perpétuer. On avait beau essayer de l’éradiquer, celui-ci parvenait toujours à trouver un chemin. Certains de ces chemins étaient plus tortueux que d’autres, mais pour la vie cela importait peu. Lentement, longuement, elle se démultiplia, explorant chaque route, sente ou piste qu’elle croisait, s’adaptant à chaque obstacle pour le surpasser, le contourner, l’absorber.
Ainsi naquirent les hommes. Des êtres faibles et friables, soumis aux aléas de leurs semblables, prisonniers d’eux-mêmes. Bref, du matériel inépuisable pour perpétrer la vie.
C’est avec trois silhouettes familières, à demi cachées derrière une ruelle sombre de la petite tyrannie tranquille d’Effeffessette, que commence notre récit…

Yuyu : Hey ! Hey ! Hey ! Les amis, on va se jeter un godet derrière l’oreille à la taverne ?

Bouffie : Ouiiiiiiiiiii ! J’ai besoin d’oublier que ma vie c’est de la merde !

Yuyu : C’est sûr que ce n’est pas de la perle, chérie.

Bouffie : Ta gueule ! Toi tu t’es encore engueulé avec Dame Yuyu.

Yuyu : Comment tu sais ???

RJ : Bah, comme d’hab, non ? Et comme tu sais que Bouffie va sauter sur l’occasion de se faire payer un verre gratuit, tu en profites pour faire enrager ta meuf et lui rendre la monnaie de sa pièce.

Bouffie : Exactement. Sauf pour le verre gratuit… A moins que TOUS LES VERRES ne soient gratuits, je viens pas.

Yuyu : J’ai pas de thunes, lol. J’ai pas vendu une seule fenêtre ce mois-ci. Du coup mon compte bancaire est à zéro.

Bouffie : C’est toujours plus que le mien…

Sur ces entrefaites les 3 amis se rendirent au bar où ils descendirent une pinte ou deux.

RJ : Je crois que tu as un ticket avec le barman, Boubouffe. Le verre dans lequel il t’a servie était propre.

Bouffie : Nan, il m’a dit qu’il me trouvait mignon mais quand j’lui ai dit que j’étais une fille il a décampé.

RJ : Arf…

On entendit soudain un grand bruit à l’extérieur. Des gens sans importance dont on n’a pas besoin de prononcer le nom hurlèrent puis moururent, s’enfuirent ou se terrèrent sous les tables en fonction du mauvais moment et du mauvais endroit où ils se situaient à ce moment. (Logique.)
Les trois amis se regardèrent atterrés. La tyrannie d’Effeffessette était connue pour sa tranquillité, mais il arrivait parfois que des incidents se produisent. Ils alimentaient la bourgade en rumeurs et autres ragots avant de bientôt disparaître des esprits, et pour ne plus ressurgir que sous forme de blague que seuls les initiés pouvaient comprendre. Pourtant, ce bruit semblait différent. Comme venu des profondeurs, un long hululement strident glaçait leurs os et figeait les trois protagonistes sur place, le cul vissé à leurs chaises respectives.

Bouffie : Qu… Qu’est-ce-ce que que c’ététait ?

Yuyu : Je ne sais pas, mais il faut aller voir.

Bouffie : Je m’casse !

RJ : Impossible. Il semblerait qu’une singularité de l’espace/temps nous empêche de sortir du continuum réalité/relativité contenu entre les quatre murs de ce bar. Si on fait un geste de travers, on risque de provoquer une implosion quantique de l’extérieur.

Bouffie : C’est vrai ?

RJ : Bien sûr que non !

Ils se dirigèrent alors vers la sortie pour voir ce qu’il en était. Dehors la ville était à feu et à sang. Partout des lambeaux brisés de pancartes jonchaient les trottoirs. La végétation n’était plus que cendres grésillantes et le ciel nocturne semblait lui-même s’être embrasé.

RJ : Que celui qui a pété se dénonce !

Yuyu : Ma voiture ! On a bousillé ma voiture !

Bouffie : Les gars, je crois qu’on a un problème beaucoup plus grave à régler. Regardez là-bas !

Les deux compères suivirent du regard la direction que pointait le doigt de leur amie. Ils virent alors avec horreur une nouvelle silhouette qui se détachait à travers les flammes ravageant la ville qu’ils chérissaient tant.

Yuyu : Oh. My. Allah.

RJ : Ne me dites pas que c’est un oiseau.

Yuyu : C’est un avion.

Bouffie : Non c’est... Skyroth !!!

Tofu (qui passait par là) : C’est qui Skyroth ?

Bouffie : Toutouffe, t’es pas mort !

RJ : Vaut mieux pas, sinon il risque de se retrouver entouré par 40 vierges. L’horreur.

Yuyu : Je peux me faire entourer par 40 vierges ?

Tofu : C’est gênant !

RJ : C’est bon t’as fait tes 2 répliques cultes maintenant tu peux dégager.

Tofu : Mais…

Ils n’eurent pas le temps de terminer leur conversation car la silhouette de Skyroth, toute de noire et de cuir vêtue se tourna lentement vers eux. Ses cheveux noirs et courts volaient dans les flammes comme une chute d’eau argentée. Ses yeux marron posèrent leur lueur de jade sur les personnages principaux et Tofu. Un fin sourire démoniaque étira ses lèvres charnues tandis que de sa longue épée en plastique s’écoulait le sang de ses ennemis vaincus.

Skyroth : Je veux ma MAMAN !

Le hurlement faillit même faire tomber le solide Yuyu à la renverse. Le temps que les autres se relèvent avec plus ou moins de difficulté en fonction de l’état de leurs poumons et de leurs capacités sportives, Skyroth avait disparu.

Tofu : What the fuck !?

Bouffie : Il a pété un boulard à cause des hormones qui le travaillent ?

RJ : Vous croyez qu’il a des hormones ? À son âge ?

Yuyu : J’en connais une qui va bientôt avoir des soucis avec ça, uh uh.

Bouffie : Toi, ta gueule ! C’est pas le moment de plaisanter. Vous avez vu ce boxon ? Toutouffe, nettoie-nous ça et vite !

Tofu : Tu me prends pour ta biatch ou quoi ?

Bouffie : Bah oui…

Tofu : Ok. <3

Sortant un balai et une serpillère magiques d’un endroit que nous ne nommerons pas mais qui voit rarement la lumière du jour, Tofu se mit à l’ouvrage en sifflotant. De petits animaux le rejoignirent en se dandinant tandis que des oiseaux lui posaient une couronne de fleurs sur le crâne.

RJ : Et qu’est-ce qu’on fait maintenant ?

Yuyu : Hey ! Hey ! Hey ! Les amis, on va se jeter un godet derrière l’oreille à la taverne ?

Derrière eux, le dernier pan de mur de La Taverne Tranquille s’effondra en soulevant un nuage de poussière.
Soudain, un cavalier à la longue chevelure ondoyante galopa jusqu’à eux. Le soleil dans son dos empêchait de distinguer ses traits mais on devinait le regard dur et blasé de celui qui en avait trop vu au cours de sa vie. Il se contenta de les observer en silence, sa tête dodelinant légèrement de gauche à droite en signe de consternation.
Sur son torse bombé brillait un badge en argent. Une étoile à 5 branches. L’insigne d’un agent Truc, le bras armé du pouvoir en place dans la Tyrannie d’Effeffessette.

Bouffie : Jeffou !!! Il s’est passé un truc trop horrible. Skyroth a fait un caca nerveux.

RJ : Pas que nerveux d’ailleurs, à en juger par l’odeur pestilentielle qui se dégage des dégâts.

Jeffou : …

Bouffie : Qu’est-ce qu’on fait ?

Jeffou : …

Yuyu : Ok, et donc ?

Le cavalier roux haussa les épaules et montra du menton une gigantesque construction qui s’élevait bien au-dessus de leurs têtes. Ses bras métalliques se déployaient à perte de vue dans des directions opposées alors que de longs câbles froids et luisants chuintaient de la surface jusqu’au sommet de la tour. Un gros logo rouge représentant un A stylisé flanquait ses parois abruptes.
Un long frisson parcourut l’échine du groupe lorsque celui-ci comprit ce qu’impliquait le geste du Truc.

Tous en même temps : Tu veux qu’on aille voir le Führomeur Suprême ? Mais personne ne l’a plus vu depuis qu’il s’est enfermé dans la Tour A. Rêva après la naissance de son enfant !

Jeffou : …

À suivre...

Les réelles aventures de l’imaginaire

[Chapitre II] : La Tour A. Rêva

Yuyu : Huf… Il y a… encore beaucoup d’étages ? Huf… Huf…

Bouffie : Allez là, ça en fait 10 que tu montes en rampant. Tu crois pas que tu nous ralentis déjà assez sans y ajouter tes jérémiades ?

Yuyu : Dès ce soir, j’arrête la clope et je me remets au sport. Huf…

RJ : C’est ça. C’est comme dire que Bouffie va arrêter l’alcool ou faire des économies. Remarquez que je n’ai pas dit arrêter l’alcool ET faire des économies. L’un ou l’autre est déjà assez improbable, alors les deux en même temps…

Yuyu : Non mais… Huf… Vous voulez pas sérieusement ralentir ? Je sais pas moi, observez-moi un peu ce panorama offert par la cage d’escalier… Huf…

Jeffou : …

Bouffie : Jeffou a raison, ce n’est pas sa faute si l’ascenseur est en panne.

Yuyu : Oui, mais lui il a un cheval au moins !

Jeffou : …

Bouffie : Ahahah ! La bonne blague !

Jeffou : …

Bouffie : Ihihih ! Ohohoh ! Uhuhuh !

RJ : Mais tu comprends ce qu’il dit ? Pour moi il ne fait que des … depuis le chapitre précédent.

Bouffie : C’est normal, il ne parle qu’aux filles.

Yuyu : Ah, parce tu es arrivée à lui faire croire que t’en es une ?

Bouffie : TG !

??? : Non mais vous allez arrêter ce raffut, oui ? La princesse vient à peine de s’endormir et si je dois encore me coltiner ses cris pendant une heure avant qu’elle se rendorme, je jure qu’il va y avoir un meurtre !!!

RJ : Merde, on est repérés !

Bouffie : Mais on est là légalement, avec l’invitation express d’un Truc pour prévenir le Führomeur Suprême des graves agissements de Skyroth.

RJ : Ah. Oui. Coucou, mon chat c’est moi !

??? : RJ ? Budu, mais qu’est-ce que tu fais là ?

Surgissant d’une porte dérobée, la cheffe des Trucs planta ses poings sur ses hanches et jeta à la troupe un regard d’incompréhension. En tant que nourrice officielle de la princesse de la Tyrannie d’Effeffessette, de longs filets verdâtres de régurgitation enfantine maculaient sa chevelure et son uniforme noir. Son regard morne au-dessus de ses poches cernées s’illumina en découvrant son subordonné toujours confortablement assis sur son cheval en plein milieu de l’escalier.

Eléo : Trop cool, y a mon super adjoint ! Comment tu vas Jeffou ?

Jeffou : …

Eléo : Non ! Vraiment ! Il n’a pas fait ça ?

RJ : Oui, et la ville est complètement détruite…

Eléo : Mais de quoi tu parles ? Jeffou vient de dire que tu n’as pas arrêté de critiquer Bouffie depuis votre arrivée.

RJ : Ah. Ça. Je peux l’expliquer… En fait c’est à cause de…

Bouffie : On n’a pas le temps ! Eléo, il s’est passé un truc grave avec Skyroth…

RJ : Euh, ouais. Il s’est mis à faire caca partout et la fermentation a fait s’embraser ses déjections, ce qui a mis le feu à la Taverne Tranquille et au reste de la ville. Puis il a disparu en ne laissant qu’une longue trace marron sur son passage.

Eléo : N’importe quoi.

RJ : Genre, tu me fais pas confiance.

Un silence s’ensuivit.

Bouffie : Non mais à part tous les détails, il dit vrai.

Eléo : What ? Nous devons au plus vite avertir le Führomeur Suprême de la situation. Lui seul a tous les pouvoirs et pourra donc y remédier.

Il n’y a avait plus un moment à perdre. Le groupe se dirigea donc en courant jusqu’au sommet de la tour.

Yuyu (sa voix venant de plusieurs étages plus bas) : Non mais vous inquiétez pas, j’arrive.

Le groupe, moins Yuyu, arriva légèrement essoufflé dans la grande salle du trône au bout de quelques minutes. La fastueuse pièce était richement décorée de tapisseries couvrant ses murs. Elles retraçaient l’histoire de la Tyrannie d’Effeffessette depuis sa création et chacune des scènes était entrecoupée par une affiche de placement de produit Coca Cola Light du plus bel effet. Car, n’oubliez pas que l’aspartame vous tuera toujours moins vite que le sucre blanc alors autant en profiter.

Bouffie : Pffiou, alors c’est à ça que ça ressemble un appartement de richard.

RJ : Fais pas l’étonnée, on est au courant de ton histoire avec ce mec blindé aux as qui te traitait comme de la merde.

Bouffie : Tu parles de Vince ?

RJ : Nan, l’autre.

Bouffie : Doudou ?

RJ : Non plus.

Bouffie : Adam ? Robert ? Kévin ? Louis ? Moussa ? Mélissa ? Kévin 2 ? Gilbert ? Kévin 3 ? Dylan ? Albert ? Kévin 2, le retour ?

Jeffou : …

RJ : Il a dit quoi là ?

Eléo : Rien, il est juste consterné.

Bouffie : Ahem, oui bon, ça va hein. Il est où le chef ?

Eléo : Attendez, je vais réclamer une audience avec le Führomeur Suprême. Bougez pas.

Eléo alla s’installer sur une petite estrade sur laquelle se trouvait un énorme livre. Elle l’ouvrit à une page précise, prit une grande inspiration, leva les bras et, rejetant la tête en arrière psalmodia l’incantation :

Eléo : Acrooooooooooooooooo, pourquoi ça marche paaaaaas ? Quand tu n’es pas làààààààà, non rien ne vaaaaaaaaaa. Acroooooooooo, dieu du taroooooooooooot, où es-tuuuuuuuu ? On a besoooooooooin de toiiiiiiiii, car sans toiiiiiiiiii rien ne va pluuuuuuuuuuus !

Dehors il se mit à pleuvoir.

RJ : Tu m’étonnes que la Princesse ait du mal à s’endormir.

Soudain, la lumière se tamisa et un bourdonnement fit trembler les murs de la salle. La partie supérieure du plafond sembla se décrocher et glissa lentement jusqu’à la hauteur du petit groupe.

La vision d’horreur qui les accueillit les choquèrent jusqu’au plus profond de leur être. Ceux qui survécurent aux terribles évènements qui allaient se produire ce jour-là, s’en rappelleraient jusqu’à la fin de leur vie. (Ceux qui moururent aussi, cela va de soi.)

Les yeux injectés de sang, Skyroth se tourna vers le groupe. Un sourire mauvais sur le visage, tandis que son corps était parfois parcouru de tremblements saccadés. L’épée à la main, il fit un pas dans leur direction.

Skyroth : Je veux ma MAMAN !!!

Derrière lui, le trône du Führomeur Suprême était maculé de sang. Une forme qui aurait pu être autrefois humaine reposait dessus, les membres flasques et les boyaux à l’air.

RJ : C’est la merde.

Eléo : Non, on dit : c’est la j’aime pas.

Yuyu : Huf… Huf… J’ai raté quelque chose ? Huf…

À suivre...