Je pense notamment à la séquence où on a regardé la cassette dans l’hôtel. Il y a une musique effrayante (« Black Fairy ») qui fait sens avec ce qu’on vient de vivre et de voir. Dans le jeu original, le sound design devenait étouffant et terrifiant tant le son était fortement dosé. Là, on a la même piste, mais c’est plus équilibré. C’est un bruit de fond, un bruit d’ambiance mais on perd le côté cauchemardesque de la piste à cause d’un sound design moins prononcé.
Autre séquence : celle du monologue à la fin dans le couloir. Dans l’original, si on marchait durant tout le long, on arrivait devant la porte au moment où on entend « Tu es encore là ? Dégage, ne reviens pas ! ». Mais vraiment, je vous jure, le couloir était pensé de telle sorte à ce qu’on arrive sur cette phrase en marchant jusqu’au bout. Et si jamais on attendait deux secondes, on avait la fin du monologue (que l’on n’a pas si on traverse la porte). Là, on a cette même séquence dans le remake. J’ai à nouveau marché sauf que j’ai eu l’entièreté du monologue arrivé au ¾ du couloir … Du coup, j’ai regardé des walkthrough et des gens ont passé le couloir en courant. Et même comme ça, on a le « Tu es encore là ? Dégage, ne reviens pas ! » à quelques mètres devant la porte, et plus juste devant. Et rien que ça, c’est un souci du détail que l’on perd ... plus le fait que je ne trouve pas logique de faire cette séquence en courant ...

o A chaque sauvegarde, on a le visage de James qui nous observe impassible (référence au jeu de base où c’était une image fixe). Lorsque James affronte enfin sa culpabilité, c’est la première fois du jeu que son visage n’ose plus nous regarder, de peur d’être jugé.
o Toujours après avoir affronté la vérité, on voit les monstres qui agonisent lorsqu’on les croise. Pire, ils ont peur de nous. De voir ces monstres difformes être effrayés par nous, par un monstre qui les dépasse, je vous assure que ça m’a foutu un frisson d’horreur et de dégoût.
o La plongée dans le Silent Hill d’Angela et d’Eddie est plus prononcée. On voit des détails plus mécaniques, plus intimes chez Angela tandis que chez Eddie, on remarque au fur et à mesure du jeu que de la buée sort de sa bouche (détail peut-être dans le jeu de base, je ne sais plus).
o Il y a un concept de flash-back dans le jeu. En fait, on a plein de nouveaux décors, de nouveaux lieux, de nouvelles énigmes mais il y a toujours des clins d’œil à certains moments « cultes » du jeu de base. On peut apercevoir la zone où on récupère notre première arme, notre premier affrontement contre Pyramid Head et j’en passe.
o La nouvelle symbolique de certains monstres comme les « Jambes ». Alors, oui, dans le jeu original, c’était une déshumanisation de la femme à son aspect le plus superficiel et sexuel. Mais là, ils sont allés encore plus loin dans ce monstre qui représente littéralement la peur de l’oppression conjugale. C’est un monstre qui se cache tout le temps de nous, qui se bat avec ses jambes de la même façon qu’une femme chercherait à se débattre d’un conjoint violent plus fort qu'elle … C’est terrifiant. D’ailleurs, je pose juste un mot là-dessus mais j’ai un peu de mal à comprendre que Silent Hill 2 soit jugé en 2024 sous l’angle du féminicide … Alors, d’accord, si on prend les éléments tels quels, on a des mimes de viol, une femme assassinée, ce qui est tout sauf joyeux. Mais je dirais que James est réellement une bonne personne et que son geste de « violence » était un geste d’amour, de respect et de libération pour lui et surtout pour sa femme. C’est juste que Silent Hill lui renvoie à la figure la violence du geste au-delà de l’aspect sentimental, et que ça soit incarné par des extrêmes. Bah oui, le vrai sujet du jeu, ça reste quand même l’équilibre et la survie du couple à travers la maladie, et ça passe par le dégoût de soi et de l’autre, ça passe par l’absence de « vie » dans le couple, l’absence de sexe, de désir. Le Silent Hill de James, ce sont des éléments refoulés du malaise de son couple, mais ça n’incarne nullement ses vices. Ce n'est pas parce qu'on a une paire de jambes, un Pyramid Head porté sur le mime de viol et des infirmières dénudées que James est un pervers psychopathe. Ca renvoie simplement à la perte de désir qu'il a aimé chez sa femme qu'il n'a plus retrouvé par la suite ... à cause de la maladie qui a rongé le couple ... à cause de l'amour maladif et sincère qu'il porte pour elle malgré les épreuves décisives de la vie ...
o La nouvelle mise en scène de l’Abstract Daddy (représentation du paternel violeur d’Angela). On perd complètement la salle la plus dérangeante du jeu de base sur PS2 (des pistons qui font des va et vient dans des murs charnels) … mais à la place, on a des idées de folie comme un Abstract Daddy beaucoup plus massif et monstrueux dans son chara design (ça donne le sentiment que la créature du dessus « impose » des mouvements à celle en dessous pour se déplacer). Et maintenant, ça se déroule dans la maison d’enfance d’Angela, où on y voit l’Abstract Daddy nous poursuivre avec hargne dans un foyer familial qu’il détruit au sens propre et figuré. L’intime et l’horreur sont constamment sur le même fil que ça en devient terrifiant.
o Après avoir tuer Eddie, James regarde ses mains tremblantes. Et son regard laisse supposer que c’est quelque chose de terrifiant et de familier en même temps … bah oui, ça fait écho à la toute première scène du remake … Ce plan de doute sur le regard de James, ça m’a glacé.
o D’ailleurs, en parlant d’Eddie, en fait, on a un viseur lorsque l’on cible avec nos armes à feu. Quand on vise Eddie, contrairement aux créatures du jeu, le viseur tremble légèrement. Bah oui, c’est la première fois du jeu que James s’apprête à tuer un être humain, même si c’est dans une posture d’auto-défense. Est-ce que c'est peut-être un doute inconscient de James qui n'a aucune envie de revivre ce sentiment d'avoir du sang sur les mains ? Très probable aussi.
o Dans l’écran d’inventaire, on a une image floue saccadée en fond. Difficile d’y prêter attention car on a souvent un objet qui figure devant … mais je crois que c’est James entrain d’étouffer sa femme … Non mais, quand je vous disais que ce jeu a compris comment restituer le malaise de chaque instant du jeu pour lui donner une autre essence.
o Détail tout con mais on a encore la scène où James plonge son bras dans des toilettes bouchées … Sauf que cette fois, il a le bras plein de merde … pendant plusieurs minutes de jeu. Ca m’a dégoûté à plusieurs moments, même quand je prenais la carte et que je voyais sa main pleine de merde dégoulinante …
o Enfin, un dernier pour la route. A un moment, dans l’hôpital, je suis tombé sur une simple affiche qui affichait différents symptômes avec une recommandation de consulter son médecin. C’était une simple affiche, comme on peut en trouver dans n’importe quelle salle d’attente. Ce qui a attiré mon attention, c’est qu’on peut voir l’affiche et on peut également la lire. Le seul mot que James ne lit pas sur l’affiche est « guilty » … Alors qu'habituellement, le jeu nous lit tous les mots de chaque document de façon neutre.